Les contrôles d’arrêts maladie se sont considérablement renforcés en France avec 628 millions d’euros de fraudes détectées en 2024, soit une augmentation de 35% par rapport à 2023.
Face à cette explosion, notamment des 42 millions d’euros de fraudes aux indemnités journalières (contre 17 millions en 2023), les procédures de contrôle par la Sécurité sociale et les employeurs suivent désormais des règles plus strictes.
La CPAM peut déclencher un contrôle de sa propre initiative ou sur demande de votre employeur, sans vous prévenir. Le médecin-conseil dispose d’une indépendance totale pour examiner votre dossier et peut intervenir à tout moment pendant votre arrêt. Cette surveillance permanente s’articule autour de deux axes principaux qui peuvent transformer votre convalescence en cauchemar administratif.
Types de contrôles CPAM
Le contrôle administratif consiste en une vérification surprise de votre présence à domicile pendant les heures d’interdiction de sortie, soit 9h-11h et 14h-16h, sept jours sur sept.
Un agent de contrôle peut sonner à votre porte n’importe quel jour, y compris les week-ends et jours fériés, sans aucun préavis. Si vous n’êtes pas là, les conséquences tombent immédiatement : suspension des indemnités journalières et pénalités financières.
Le contrôle médical représente l’autre visage de cette surveillance renforcée. Le médecin-conseil peut vous convoquer dans ses bureaux ou se déplacer directement chez vous pour examiner votre état de santé. Il statue ensuite sur la justification de votre arrêt, peut réévaluer sa durée, recommander une reprise anticipée ou purement et simplement suspendre vos indemnités journalières.
En cas de convocation, vous disposez d’un délai minimum de huit jours entre la réception du courrier et le rendez-vous. Si vous ne pouvez pas vous déplacer pour raisons médicales, vous devez immédiatement informer la CPAM avec des justificatifs, sinon la suspension des IJSS intervient jusqu’au contrôle effectif.
Procédure de convocation
En cas de convocation par le médecin-conseil, vous recevez un courrier précisant :
- La date et l’heure du rendez-vous
- L’adresse du lieu de contrôle
- Le motif de la convocation
- Les conséquences d’une absence non justifiée
Vous disposez d’un délai minimum de 8 jours entre la réception de la convocation et le rendez-vous. En cas d’impossibilité de vous déplacer pour raisons médicales, vous devez en informer immédiatement la CPAM avec justificatifs.
En théorie, vous ne pouvez pas être contrôlé en dehors de vos horaires de sortie.
Quelles conséquences suite à un contrôle de la CPAM ?
En cas d’arrêt jugé injustifié :
- Suspension immédiate des indemnités journalières
- Récupération des indemnités déjà versées
- Date de reprise obligatoire fixée par le médecin-conseil
- Information automatique de l’employeur
En cas d’absence au contrôle :
- Suspension des IJSS jusqu’au contrôle effectif
- Pénalités financières possibles
- Signalement à l’employeur
Contrôles par l’employeur : La contre-visite médicale
L’employeur dispose d’une arme redoutable depuis le décret du 5 juillet 2024 qui a renforcé les modalités de contre-visite.
Mais attention, cette contre-visite n’est possible que si votre patron verse des indemnités complémentaires pendant votre arrêt maladie, ce qui découle généralement de votre convention collective ou contrat de travail.
Le médecin mandaté par votre employeur doit impérativement être indépendant, agréé et assermenté. Les entreprises spécialisées dans le contrôle médical fournissent des praticiens répondant à ces critères stricts.
Ce médecin contrôleur jouit d’une liberté totale pour décider du lieu et du moment de sa visite. Il peut débarquer chez vous sans préavis à n’importe quelle heure, même pendant vos créneaux de sortie autorisés, ou vous convoquer dans son cabinet médical.
La procédure suit ensuite un calendrier implacable. Le médecin contrôleur dispose de 48 heures maximum pour informer votre employeur du caractère justifié ou non de votre arrêt, ainsi que la CPAM en cas d’impossibilité de contrôle ou d’arrêt jugé injustifié.
Votre patron doit vous transmettre sans délai les conclusions, de préférence par courrier recommandé. Si l’arrêt est déclaré non fondé ou si vous êtes absent sans justification, la suspension des indemnités complémentaires tombe immédiatement, à la date même de la contre-visite.
L’explosion des fraudes change la donne
Les chiffres 2024 révèlent une intensification spectaculaire de la traque aux fraudeurs. Les fraudes aux arrêts de travail ont bondi de 147% pour atteindre 42 millions d’euros, représentant désormais 38,5% des fraudes commises par les assurés. Cette progression géographique frappe fort : +70% dans le Loiret, +51% dans l’Aude, +35% en Indre-et-Loire.
La typologie des fraudes révèle des pratiques variées mais systématiquement traquées. Les faux certificats médicaux représentent 40% des cas détectés, suivis des prolongations injustifiées (25%), des activités professionnelles pendant l’arrêt (20%) et des voyages non déclarés (15%). Face à cette explosion, les outils de détection se modernisent rapidement.
Depuis juillet 2025, les certificats médicaux comportent des éléments de sécurité renforcés incluant des carrés de contrôle anti-contrefaçon, une numérotation sécurisée, des hologrammes de protection et des codes de vérification électronique. Parallèlement, de plus en plus d’entreprises font appel à des détectives privés pour surveiller leurs salariés en arrêt maladie, révélant que 50% des arrêts de plus de 18 mois seraient injustifiés selon ces investigations privées.
Comment riposter en cas de contrôle ou de décisions abusives ?
Heureusement, vous n’êtes pas totalement désarmé face à cette surveillance accrue.
Plusieurs parades légales existent pour contester les décisions abusives ou protéger vos droits. La suspension des indemnités n’est pas possible si votre absence est justifiée par un rendez-vous médical ou une urgence familiale, si le médecin contrôleur n’est pas indépendant, ou si les procédures légales ne sont pas respectées.
Vous pouvez refuser légalement une contre-visite dans trois situations précises :
- examen médical extrêmement douloureux avec justificatifs médicaux,
- médecin contrôleur refusant de décliner son identité,
- bénéfice d’un avis d’inaptitude du médecin du travail en cours.
L’employeur doit prouver que l’absence ou le refus de contrôle vous est imputable.
Pour contester les décisions de la CPAM, saisissez d’abord la Commission de recours amiable, puis le tribunal judiciaire (pôle social) en cas d’échec, et enfin la Cour d’appel puis la Cour de cassation.
Contre une contre-visite patronale, vous pouvez demander une seconde contre-visite par un médecin de votre choix, une expertise judiciaire devant le conseil des prud’hommes, ou faire appel à un médecin d’appel selon certaines conventions collectives dans un délai de 15 jours.
Sanctions contre les abus : Quand le contrôleur devient le contrôlé
Les employeurs ne peuvent pas agir impunément.
En cas de contrôles répétés sans justification, ils s’exposent à des condamnations pour harcèlement moral. L’utilisation d’un médecin non indépendant rend le contrôle nul et de nul effet. La multiplication des contrôles sans motif légitime peut également constituer une atteinte à la vie privée sanctionnée civilement et pénalement.
Cette guerre des contrôles transforme progressivement le paysage social français. Entre surveillance renforcée et protection des droits, l’équilibre reste fragile. Votre meilleure défense reste la connaissance précise de vos droits et obligations, ainsi qu’une documentation rigoureuse de votre état de santé et de vos déplacements pendant l’arrêt maladie.







